La rectocolite hémorragique (RCH) est une affection inflammatoire chronique qui évolue sous la forme de poussées inflammatoires espacées dans le temps. Ces poussées sont traitées de façon graduelle en fonction de la sévérité, du terrain du patient et de l’historique de la RCH par salicylés, corticoïdes, biothérapie ou thérapie ciblée. Les corticoïdes sont ainsi fréquemment prescrits pour le traitement d’une poussée avec une bonne efficacité mais un taux d’évènement indésirable qui préoccupe souvent patients et soignants.
L’étude ORCHID est un essai ouvert, contrôlé et randomisé comparant l’efficacité et la tolérance du tofacinib (10 mg x 2 par jour pendant 8 semaines) par rapport à une corticothérapie orale courte (40 mg de prednisolone par jour pendant 1 semaine puis diminution de 5 mg par semaine jusqu’à l’arrêt) pour le traitement de la RCH modérée (score total de la Mayo Clinic entre 6 et 9 avec un sous-score endoscopique de 2 ou 3). Les traitements par 5-ASA et thiopurine devaient être stables depuis au moins 4 semaines et les anti-TNF interrompus depuis au moins 8 semaines.
Le critère principal de jugement était un critère ambitieux associant une rémission clinique (Mayo score total ≤2 avec un sous-score endoscopique de 0 et une calprotectine fécale <100 μg/g] à la semaine 8. Les critères secondaires étaient la rémission clinique (Mayo score total ≤2 sans sous-score >1), la réponse clinique, la cicatrisation muqueuse (sous-score endoscopique ≤1), la rémission symptomatique (RBS + SFS ≤1) et la tolérance. Tout changement thérapeutique était considéré comme un échec de la stratégie indépendamment des scores calculés à la semaine 8. Il s’agissait d’une étude pilote avec un effectif inférieur aux pré-requis habituels assumé par les auteurs.
Un total de 87 patients ont été screenés et 78 ont été randomisés (42 hommes ; âge moyen de 37,8 ans ; ancienneté de la RCH de 2 à 3 ans en médiane ; 12 % de RCH E1 ; moins de 10 % déjà exposés à un anti-TNF) et traités par tofacitinib (n=45) ou prednisolone (n=33).
A la semaine 8, il n’existait pas de différence dans le critère de jugement principal (16,3 % dans le groupe tofacitinib et 8,6 % dans le groupe prednisolone, p=0,31), ni dans aucun des critères de jugement secondaire que ce soit la rémission clinique (41,2 % vs 37,1 %, p=0,67), la cicatrisation muqueuse (65,1 % vs 57,1, p=0,47), la rémission symptomatique (46,5 % vs 37,1 %, p=0,40) et la cicatrisation muqueuse (23,3 % vs 11,4 %, p=0,18).
Des évènements indésirables ont été observés dans 46,5 % des cas dans le groupe tofacitinib et 57,1 % dans le groupe prednisolone, sans qu’aucun évènement indésirable sévère ne soit observé dans aucun des deux groupes. Il fallait néanmoins noter une tuberculose pulmonaire justifiant l’arrêt du tofacitinib, un zona sans arrêt du tofacitinib et une acné sévère justifiant l’arrêt des corticoïdes.

Les études ayant porté sur les inhibiteurs de voie JAK/STAT ont soulevées beaucoup d’interrogations pour deux raisons distinctes. La première repose sur une rapidité d’action parfois impressionnante par rapport à d’autres biologiques ou thérapies ciblées et la seconde sur leur profil de tolérance. Les considérations de tolérance ont débouché sur des recommandations restrictives sur l’utilisation JAKi chez les patients âgés de 65 ans, présentant des facteurs de risque thromboembolique, de cancer et cardiovasculaires majeurs ainsi que chez les fumeurs actifs ou anciens gros fumeurs. Une autre possibilité d’utilisation des JAKi dans l’arsenal thérapeutique des MICI pourrait consister dans leur utilisation sur des courtes périodes de temps dans une stratégie de bridge pour des médicaments dont la tolérance est bien meilleure.
Cette étude est probablement la première pierre dans l’évaluation d’une stratégie d’utilisation courte des JAKi en comparaison aux corticoïdes dont la tolérance est également problématique chez tous nos patients et évidemment les plus fragiles mais qui sont utilisés toujours très largement au quotidien pour le traitement des poussées de MICI. Dans cette étude, l’efficacité et la tolérance des JAKi était similaire à celle des corticoïdes pour le traitement d’une poussée modérée de RCH avec des tendances à la supériorité pour plusieurs critères secondaires. Il s’agit évidemment d’une étude pilote largement sous-dimensionnée pour atteindre la sacro-sainte significativité statistique mais elle ouvre la porte de futures études sur ce thème.
Au-delà du concept, il faut rester prudent sur une utilisation des JAKi sur les mêmes modalités. En effet, le taux de rechute après l’arrêt des JAKi et des corticoïdes n’a pas été étudié et il faut absolument connaître les risques d’un effet rebond à l’arrêt des JAKi en comparaison à celui des corticoïdes. Enfin, il faut noter un cas de tuberculose pulmonaire, certes dans une région à risque endémique pour la tuberculose, et un cas de zona, soit des évènements infectieux d’intérêt chez 4,6 % même sur une période d’étude courte de 8 semaines.
En conclusion, l’utilisation des JAKi au cours des MICI est un sujet de recherche majeur afin de tirer le meilleur potentiel de ces agents dont l’efficacité est certaine mais dont la tolérance plaide pour une utilisation rationnelle.