La chirurgie carcinologique est le seul traitement potentiellement curatif du cancer pancréatique. Or celui est le plus souvent (>80%) diagnostiqué à un stade où la chirurgie n’est plus indiquée, constituant l’une des explications de son sombre pronostic. Le diagnostic précoce du cancer pancréatique pourrait permettre d’améliorer la survie. Il n’existe actuellement pas de biomarqueur sanguin mono-paramétrique (Ca 19-9 par exemple) validé pour le diagnostic – ou le dépistage chez les sujets à haut risque – du cancer pancréatique. L’objectif de cette étude était de développer et de valider une signature multi-paramétrique de biomarqueurs sanguins protéomiques, pour le diagnostic de cancer pancréatique de stade I-II.
Les auteurs ont développé une signature protéomique sanguine à partir d’une cohorte test scandinave de 443 patients (stade I-II=148, stade III-IV=295) et 888 contrôles sains. Le prélèvement des cas était réalisé la veille de la chirurgie (15% des cas) ou de la première chimiothérapie. Un panel d’anticorps ciblant 156 antigènes impliqués dans l’immunorégulation tumorale (spécifiques du sécrétome tumoral et/ou de la réponse systémique) était utilisé. Au total, 29 biomarqueurs était sélectionnés par élimination progressive des moins performants (dont le Ca 19-9 faisait partie) pour discriminer les cas des contrôles. L’aire sous la courbe ROC était de 0,96 pour discriminer les contrôles des patients avec cancer de stade I-II (6% de faux positifs) et de 0,98 pour discriminer les contrôles des patients avec cancer de stade III-IV.
Dans une cohorte de validation américaine, l’aire sous la courbe ROC était de 0,96 pour discriminer les 219 contrôles des 90 patients avec cancer de stade I-II, et 0,84 pour distinguer les contrôles des 57 patients avec pancréatite chronique sans cancer.
La présence d’un diabète et/ou d’un ictère n’était pas un facteur confondant pour la discrimination des cancers de stade I-II. Par ailleurs, la signature de 7 TIPMP malignes était similaire de celles des patients avec cancer, alors qu’elle était différente pour 14 patients avec TIPMP bénignes.

Cette étude démontre de manière élégante et efficace (plus de 1700 prélèvements analysés) qu’une analyse protéomique multiparamétrique pourrait permettre de distinguer les patients ayant un cancer du pancréas de sujets sains sans cancer. Le fait que le Ca 19-9 ne fasse pas partie des 29 biomarqueurs les plus performants rappelle à nouveau son inutilité pour le dépistage ou le diagnostic du cancer du pancréas.
La bonne spécificité de ce test permettrait de minimiser le nombre de faux positifs, élément généralement limitant des tests de dépistage. Ce test permettrait de diagnostiquer le cancer du pancréas à un stade précoce et pourrait ainsi permettre d’augmenter le pourcentage de patients accessibles à un traitement chirurgical et donc de prolonger la survie.
Ainsi ce test, si validé prospectivement, pourrait permettre le dépistage et la surveillance de patients à haut risque de cancer du pancréas, comme les sujets relevant d’un dépistage de cancer pancréatique familial, les patients ayant une TIPMP, ou encore les sujets ayant un diabète de révélation tardive ou une pancréatite chronique (qui n’influencent pas les résultats du test).
En l’absence d’avancée significative sur des biomarqueurs alternatifs (ADN circulant…), les résultats des études de confirmation de l’utilité de cette signature protéomique devront être suivis de près !